En agriculture comme dans les autres secteurs, les industriels n’ont accepté que tardivement et que par de longues luttes l’obtention de meilleures conditions de travail. Aujourd’hui, c’est au tour du monde animal à revendiquer l’accès aux droits sociaux. Pour les mêmes craintes de pertes de productivité, une majorité d’entrepreneurs de l’élevage n’y voient que des contraintes. Si certains défenseurs de la cause animale mènent des actions radicales, l’intérêt croissant du comportementalisme par les éleveurs et la multiplication d’études scientifiques sur le sujet sont à même de nous éclairer sur la psychologie animale.
Claude et Lydia Bourguignon nous y invitent dans leur dernier ouvrage : Le sol, la terre et les champs. Pour retrouver une agriculture saine, Editions Sang de la terre – Les dossiers de l’écologie, 2015
Extrait du livre :
« Les élevages modernes ne tiennent pas compte des lois sociales des animaux car ce n’est pas le bien-être et l’état de santé qui sont les premières préoccupations mais la productivité. Pourtant les nombreuses études de psychologie animale montrent que l’équilibre social a un rôle fondamental pour les animaux d’élevage. Ce degré supplémentaire de complexité n’est pas fait pour plaire aux éleveurs industriels, car il semble dans un premier temps, bloquer la productivité. Et pourtant, l’exemple des industries humaines devrait les aider. Au XIXe siècle, les entrepreneurs ne voulaient pas de syndicats ni d’améliorations de conditions de travail, car ils craignaient des baisses de productivité. Tout entrepreneur moderne sait maintenant, grâce aux études de psychologie, que toute amélioration des conditions de travail est non seulement morale mais utile pour l’entreprise. Il en est de même pour les bêtes ; les éleveurs comprendront un jour que toute atteinte aux lois sociales des bêtes est non seulement immorale mais va à l’encontre de l’intérêt économique. Espérons que l’élevage du XIXe siècle n’aura rien à voir avec l’univers carcéral des élevages actuels, de même que les usines actuelles n’ont heureusement rien à voir avec celles du XIXe siècle. Nous rirons de nos méthodes actuelles barbares, lorsque nous aurons accepté de faire rentrer plus de science et de sensibilité dans nos techniques d’élevage. »