L’impact économique et social des révolutions industrielles qui se sont déroulées depuis le XIXe siècle a provoqué de multiples bouleversements dans les conceptions et modes de vie. Si la diffusion du progrès technique, la multiplication des biens et services comme l’accélération des échanges ont apporté de nombreuses raisons d’espérer un avenir meilleur, ces mêmes effets ont aussi soulevé de nombreuses inquiétudes dès le début des années 1970.
La crise du pétrole a renforcé les craintes des experts en mettant les sociétés modernes au pied du mur : la croissance économique attisée par un apport de capitaux dirigés vers les investissements privés et publics s’épuisait devant l’envol du prix des matières premières. La vulnérabilité de notre civilisation devenait l’écho de l’épuisement des ressources de la planète. Au cours de cette période, les délocalisations industrielles ont dévoilé d’autres inquiétudes ; hormis l’apparition d’un chômage massif, la montée des inégalités sociales, les sites qui étaient occupés par les usines des secteurs traditionnels comme le textile, la chimie ou la métallurgie révélèrent des sols souillés par l’usage de produits toxiques employés depuis plusieurs décennies. La contamination des sols s’ajoutait, pour un temps indéterminé, à la pollution de l’eau et de l’air.
La raréfaction des ressources, autant que la dégradation des biens communs, furent à l’origine du rapport Brundtland(1) qui permit aux experts de diffuser, dès 1987, le concept de développement durable. En introduisant des critères indispensables à la survie de l’humanité, ce rapport ouvrait de multiples champs d’études :
- le concept de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) fut adopté par les entreprises avec des mesures différentes selon la taille et le secteur ;
- les pouvoirs publics et notamment la Commission Européenne, confièrent dès le début des années 1990, la responsabilité de l’eau potable, l’assainissement et la gestion des déchets aux collectivités locales de proximité pour l’ensemble des pays de l’Union ;
- des normes spécifiques, selon l’activité et les produits fabriqués, furent imposées dans l’ensemble des secteurs industriels.
La protection de l’environnement, le renouvellement des sources d’énergie, la gestion des biens communs vont constituer un vaste ensemble qui devient à la fois un enjeu et un immense marché. La Conférence de Rio en 1992 suivie de l’ouverture de l’Agenda 21 proposent aux pouvoirs publics de tous les échelons administratifs et aux entreprises du secteur privé de nombreuses responsabilités environnementales et sociétales. Les années 1990 marquent alors un repère décisif dans l’évolution de la production des biens, des services et dans la multiplication des échanges : la nature n’est plus envisagée comme un immense réservoir de ressources inépuisables mais comme la gardienne de l’humanité dont il faut prendre soin. Ce tournant rapidement intégré dans l’évolution de la croissance, apporte un nouveau visage au système industriel :
- de grands groupes privés se chargent de la production d’énergie, d’eau potable ou de la construction d’infrastructures en enrichissant les normes dictées par les pouvoirs publics. A partir des années 2000, Ils proposeront leurs services aux administrations publiques sous la forme contrats de partenariat public-privé (PPP).
- des PME – PMI apparaissent et l l’objectif sera de « réparer » l’environnement tout en dégageant de la valeur ajoutée. Ce fut le cas de la société Phytorestore, dont l’activité apporte de nombreux points de réflexion sur la force de la nature confrontée aux dégâts causés par l’insatisfaction humaine.
Créée en 2004 dans la région parisienne, Phytorestore est une entreprise qui produit des services de dépollution, grâce à la technique de jardins filtrants dont les principes furent initiés dans les années 1990. Cette entreprise, employant des salariés sur des petites structures est aujourd’hui présente en Chine et au Brésil. L’enjeu n’est pas de promouvoir les délocalisations mais de multiplier les sites de dépollution en fonction des besoins des industriels à l’amont et des collectivités locales à l’aval.
Pour les aspects techniques, l’entreprise traite les rejets des industries de tous secteurs en utilisant des zones humides ou des friches industrielles. L’objectif est de choisir les plantes adaptées à tout type de pollution (air, eau, sols) et compatibles aux différents climats. La coordination de compétences détenues par les maîtres d’ouvrages, architectes, paysagistes, ingénieurs agronomes et techniciens, reste au cœur du projet. Des partenariats ont par ailleurs été signés avec le CNRS et l’INRA. Ce nouveau secteur d’activité intègre tous les paramètres nécessaires à un projet d’industrialisation sur le long terme. Une marque « jardins filtrants® » a été déposée auprès de l’INPI, afin de protéger une démarche basée sur cinq principes : respect de la biodiversité, traitement spécifique à chaque type de pollution, entretien régulier de la zone traitée, emploi de techniques simples et économiques, respect et réhabilitation du paysage pouvant servir de référence pédagogique.
Hormis le dépôt d’une marque préservant l’exclusivité, l’entreprise est en contact direct avec les pouvoirs administratifs, locaux, nationaux et européens. Par l’ajustement des plantes aux différentes zones géographiques, l’internationalisation ne cause pas problème majeur, quelle que soit la taille de l’entreprise. Les certifications environnementales internationales BREEAM, LEED, et HQE relatives à la conception et à la construction des bâtiments non résidentiels renforcent la collaboration des partenaires privés et publics. La faiblesse des coûts de production invitent les collectivités locales à se joindre au projet sans engendrer des loyers élevés où un endettement handicapant. Les collectivités locales peuvent également trouver un avantage à dépolluer des sols afin d’y développer dans le futur d’autres activités industrielles ou commerciales.
Avec cet exemple, non seulement il est permis de croire que le système industriel peut rebondir dans les pays qui ont mis en œuvre la première révolution industrielle mais il montre qu’il est aussi possible d’envisager la croissance autrement. La pollution n’est pas une fatalité.
La collaboration entre acteurs privés et publics comme la diversification des compétences présente de multiples possibilités. Les accords peuvent être avantageux pour l’ensemble des parties prenantes, sans créer l’endettement massif des collectivités territoriales.
En remettant de l’ordre dans le rejet de déchets industriels, la nature ne nous inviterait-elle pas à repenser le système global en nous recentrant sur l’essentiel, sur l’intérêt général ?
1 Notre avenir à tous, rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Editions Lambda 1987.