Tout au long de son évolution et de sa diversification, notre système économique n’est jamais parvenu à se détacher d’une de ses caractéristiques fondamentales : un mode linéaire de consommation des ressources. On peut très bien parler ici de « système », car il y a une idée de reproduction dans le temps couplée à une « marginalisation » des individus s’éloignant du système. Ce modèle se résume de manière satisfaisante par le triptyque « extraire-fabriquer-jeter ». En effet, les entreprises extraient les matières premières dont elles ont besoin pour fabriquer leurs produits, ces produits étant par la suite vendus au consommateur. Le comportement « instinctif » du consommateur est de jeter le produit quand ce dernier est passé de mode ou ne remplit plus les fonctions qui ont poussé à son achat.

Un des gros problèmes de ce mode de consommation, c’est celui de l’obsolescence programmée pratiqué par certaines entreprises. Selon la loi, l’obsolescence programmée regroupe toutes les techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir la durée de vie ou d’utilisation potentielle du produit afin d’en augmenter son taux de remplacement. Cette attitude pousse le consommateur, parfois inconsciemment, à remplacer la totalité de son bien. En effet, la réparation n’est qu’une solution peu avantageuse pour certains produits. On pense évidement ici aux téléphones portables. Depuis 2015, l’obsolescence programmée est un délit en France, unique pays où il existe ce délit d’obsolescence programmée.

De courageux français ont décidé d’attaquer le monstre industriel et financier nommé « Apple » sur le sol français. Ces français sont regroupés dans une association : HOP (Halte à l’obsolescence programmée) créée en juillet 2015. En l’espèce, c’est une goutte d’eau qui s’attaque à un océan. C’est donc le parquet de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire contre Apple le mois dernier. A l’origine de cette plainte, deux économistes français, Laetitia Vasseur et Samuel Sauvage (co-fondateurs de HOP et membre de notre Association du « Manifeste pour l’Industriel »). La raison de la plainte est simple : l’association HOP accuse la première entreprise mondiale de ralentir ses téléphones de manière délibérée dans le but, bien sûr, de pousser à l’achat de nouveaux téléphones. Les membres de HOP regrettent également la quasi irréparabilité de l’objet (batterie difficilement enlevable), les mises à jour néfastes au bon fonctionnement des téléphones ainsi que le matraquage publicitaire du grand groupe : « La marque à la pomme ne doit pas devenir la marque à la carotte », souligne Samuel Sauvage, tout en rappelant que les nouveaux modèles de la marque ont dépassé les 1 300 euros. Apple risque jusqu’à 5% de chiffre d’affaires d’amende dans cette affaire.  Cette plainte, contrairement à ce qu’on pourrait croire, fait rêver de nombreux consommateurs, frustrés par la marque de la pomme, mais d’autres contestent les faits.

Mais alors, comment combattre l’obsolescence programmée ?

Il s’agira simplement ici de suggérer quelques outils pouvant modifier positivement notre consommation, et, plus largement, notre mode de développement.

Nous pouvons citer les partisans de l’industrie « low tech », s’opposant à la logique dominante du tout « high tech ». L’idée est simple, on constate que l’on paye cher des produits technologiques, alors que nous n’utilisons guère le produit à 100% de ses capacités. Prenons un exemple, les ordinateurs. De manière générale, ce sont des produits dont les prix sont élevés qui ont une énorme capacité que peu savent utiliser. L’objectif étant de proposer des produits plus simples, c’est-à-dire, plus astucieux, plus respectueux de l’environnement (car plus facilement recyclables) et qui répondent in fine aux mêmes besoins de l’utilisateur-consommateur.

L’économie circulaire ou encore l’économie de la fonctionnalité semblent aussi être des solutions. Ces deux modèles proposent une autre manière de produire et de consommer les produits et/ou services. En effet, l’économie circulaire se définit comme une économie réparatrice par nature, les matières biologiques ont vocation à retourner à la biosphère tandis que les matières techniques doivent circuler avec une perte de qualité aussi faible que possible. Dans cette économie, un produit en fin de vie doit être recyclé et les industriels n’auraient ainsi guère d’intérêt à mettre en œuvre des stratégies liées à l’obsolescence programmée. La réparation, le réemploi, l’écologie industrielle ou encore l’éco-conception sont des facteurs clés de ce modèle.

L’économie de la fonctionnalité, quant à elle, a été théorisée par J.Rifkin. Cette théorie suggère de remplacer la propriété du bien ou du service par l’accès à ce bien ou  ce service. De fait, la valeur du produit repose dans les fonctions qu’il propose et non plus dans sa possession (Rifkin parle de « valeur d’usage »). Ici, le fournisseur reste propriétaire du bien qu’il met à disposition du client tout au long de son cycle de vie. L’offre consiste alors en services contractualisés. Dès lors, l’enjeu pour les offreurs n’est plus de vendre le plus de produits, mais de mettre en place le plus d’unités fonctionnelles possibles. Ainsi, il est important de vendre un produit durable et réparable, ce qui va également à l’encontre de toutes les pratiques d’obsolescence programmée.

Naturellement, l’obsolescence programmée amène la surconsommation, entrainant une augmentation rapide des déchets. Ce mode de consommation a pour effet de faire entrer massivement et continuellement de nouveaux produits en circulation. Mais au-delà de ce tableau un peu sombre, des initiatives se développent, qui vont dans la bonne direction.  Par exemple, l’Association ZERO WASTE France ne veut rien acheter de neuf en 2018 pour lutter contre l’empreinte écologique des produits. Elle se base sur certains produits de consommation : vêtements, livres, meubles, électroménager, high-tech. Le constat est clair, il y a trop d’objets en circulation, il faudrait se contenter des objets déjà en circulation. Car, en effet, la création de biens supplémentaires implique la consommation de plus de matières premières (énergie, eau, terres rares…) tout au long du processus de production et de distribution du produit. Les solutions de l’association sont simples : achat d’occasion (en ligne ou en boutique) avec parfois un SAV, location ou emprunt (une application localise un objet dans son voisinage qu’il est possible de louer ou d’emprunter).

Certains produits sont tout simplement irréparables. Néanmoins, la demande des consommateurs à évolué, les consommateurs souhaitent posséder des produits qui durent plus longtemps, à l’inverse de la frénésie de renouvellement perpétuel.

Le domaine du jeux-vidéo est aussi marqué par le phénomène. Ce domaine représente une industrie immense, très lucrative, qui pollue énormément et qui nécessite de nombreuses terres rares, qui, pour la plupart, sont prochainement vouées à disparaître. Chez les grands groupes (Microsoft, Nintendo ou Sony), les consoles durent six ans tout au plus. Pour jouer aux nouveaux jeux qui sortent de manière régulière, il faut acheter une nouvelle console, plus chère, évidemment. Le problème de la réparation ne se pose même pas…puisque la console obsolète n’a pas le temps de tomber en panne qu’un nouveau produit plus performant et plus attractif est déjà dans les rayons. Ce secteur fait l’objet d’une course folle à la technologie, ceci est préoccupant au vu des métaux rares consommés, de la pollution induite par leur raffinement et de toute l’énergie que ces processus demandent.

Les pratiques que nous venons de décrire nuisent à notre environnement. Si les consommateurs et surtout les producteurs continuent de fermer les yeux, de « faire l’autruche », si le mythe d’une croissance infinie dans un monde fini perdure, si on continue de confondre croissance et développement, nous d’autre  choix que de réduire notre consommation de produits et d’énergie.

Il est plus que temps de dénoncer vigoureusement les pratiques d’obsolescence programmée !

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