Le renouveau industriel n’est pas un conte de fées !

Le renouveau industriel n’est pas un conte de fées !

La Fondation « Usine extraordinaire »  a organisé il y a peu un événement au Grand Palais à Paris afin de « révéler au grand public, et en priorité aux scolaires et aux familles, les coulisses de l’usine d’aujourd’hui » pour « faire changer le regard des Français et...

La recherche publique française semble manquer d’efficience

La recherche publique française semble manquer d’efficience

Selon une note du ministère de l’Economie et des Finances, la dépense publique française de R&D représente 0.86% du PIB, valeur supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, mais inférieure à l’objectif du Traité de Lisbonne (1%). Sa progression en rythme de...

Engagez-vous dans le Made in France

 

Pour attirer les jeunes vers les produits manufacturés, la Fédération Indépendante du Made in France et les Ateliers du Made in France publient une série de propositions : la formation continue mais aussi des sorties scolaires dans des ateliers.

 

Réforme ferroviaire : la contre-expertise

 

Le Rapport Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, remis au Premier Ministre le 16 février dernier, préconise l’ouverture à la concurrence du transport intérieur ferroviaire de voyageurs et la transformation des deux EPIC SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sociétés anonymes à capitaux publics, prélude à leur privatisation. Il recommande également à mots couverts l’abandon des petites lignes. Il préconise enfin la fin du statut des cheminots, attribuant au coût du travail une part importante dans le poids de la dette.

Or le cabinet Degest, cabinet d’expertise et de conseil spécialisé dans l’analyse des politiques sociales, économiques et organisationnelles pour le compte des instances représentatives du personnel, vient de rendre publique le 19 mars une contre-expertise qui démonte l’argumentaire du Rapport Spinetta : « Eléments de débat sur la réforme ferroviaire. Du surcoût du travail au surcoût du capital »,Arnaud Eymery, Adrien Coldrey.

De 2010 à 2017, pour entretenir un réseau vieillissant et lancer de nouvelles lignes de TGV, SNCF Réseau a réalisé 7,2 milliards d’euros d’investissements, alors que l’Etat réduisait ses subventions, ce qui l’a obligée à recourir massivement à l’endettement, à hauteur de 17 ,5 milliards sur la période. Or, non seulement l’Etat n’a pas financé la régénération du réseau, mais il n’a pas repris la dette cumulée, comme ce qui fut le cas en Allemagne.

Aujourd’hui, la dette qui atteint plus de 50 milliards, enferme SNCF Réseau dans une spirale infernale où sur 100 euros empruntés pour améliorer le réseau, 59 sont ponctionnés par le système financier sous forme d’intérêts nets versés. Cette « économie de la rente » représente un surcoût de 140 %.

 

Le Rapport Spinetta attribue la dérive non seulement au coût des petites lignes jugées non pertinentes, mais au coût du travail dû au statut de cheminot.

Or, comme le montre le Cabinet Degest, si les charges de personnel par tête ont augmenté de 3,1 % par an en raison de l’élévation de l’âge moyen des cheminots et de l’évolution du personnel vers plus de qualification, les effectifs ont diminué de 12 % entre 2004 et 2014 et la productivité du travail a augmenté de 3,2% par an, contre 1,9 % dans l’ensemble de l’économie. Quant au recours à la sous-traitance, qui a augmenté, il coûte 10% plus cher que l’internalisation.

Le Rapport Spinetta ne dit mot des avantages économiques et environnementaux

mais aussi sociaux que devrait apporter le système ferroviaire, en tant qu’infrastructure existante répondant au droit au transport pour tous et irriguant de façon équilibrée l’ensemble du territoire. Le fret ferroviaire est passé de 57 milliards de tonnes/km en 2000 à 32,6 en 2016, après l’ouverture à la concurrence en 2006. Or il génère 5 fois moins de coûts externes pour la collectivité que le transport de marchandises par la route, ce qui justifierait une politique de report modal de la route vers le rail. Le Rapport Spinetta se borne à préconiser la filialisation du fret ferroviaire en raison de sa dette…

 

Plus généralement, le Rapport Spinetta passe totalement sous silence l’enjeu écologique du transport ferroviaire et ne se préoccupe que de sa rentabilité. Ce mode de transport génère 9 fois moins de coûts externes (pollution, congestion, accidents) que la voiture. 

L’urgence climatique nécessite la mise en œuvre d’un rééquilibrage afin de privilégier les transports collectifs ferroviaires en utilisant pleinement les infrastructures déjà existantes, ce qui permettrait  le désenclavement et le développement de toutes les zones du territoire, et non la concentration métropolitaine sans fin. Là encore, l’ouverture à la concurrence va favoriser l’abandon de lignes utiles à la population et au maintien d’activités économiques, lignes qui resteront à la seule charge des collectivités territoriales aux ressources inégales.

Enfin, les cheminots comme les usagers devraient jouer, avec les élus locaux, un rôle dans la conduite d’une politique ferroviaire au service de l’intérêt général si l’Etat n’est plus à même de l’assurer.

 

Diversité du secteur industriel et localisation des entreprises :

des liens complexes

 

L’intérêt ou la justification de rapporter simultanément sur ces deux notes de Thierry Petit permet, au-delà de la perspective – une grande filière industrielle versus une construction prospective – de souligner la diversité du secteur industriel, hier, aujourd’hui et demain et corrélativement de discuter de la question de la localisation des entreprises.

Le rapport sur l’Industrie aéronautique rappelle tout d’abord, à juste raison, que ce secteur économique comptabilise autant d’emplois que son homologue toulousain mais par contre souffre d’un déficit d’image, comme l’industrie d’ailleurs dans son ensemble, dans la région. Au-delà d’une présentation complète de la filière qui ne réduit pas au seul secteur transport aéronautique et de son poids stratégique dans la région, ce rapport énonce un certain nombre de problèmes auxquels est confronté ce secteur et avance plusieurs propositions dans ce sens.

Au-delà de ce déficit d’image, et des conséquences sur l’enjeu que constituent ces activités, l’étude pointe 3 problèmes décisifs. Le premier a trait à l’organisation et au fonctionnement même de la filière et en particulier, à la fragilité relative d’une partie des PME, et à la difficulté des coopérations entre les différents acteurs, entreprises mais également structures de formation et de recherche. Le second problème, en lien avec le précédent, est celui de la formation et de l’emploi, l’existence en particulier de tensions pour nombres de postes à pourvoir. Enfin, dernier problème et non des moindres, celui des contraintes liées à la localisation au sein des territoires métropolitains, à forte densité.

Les travaux de prospective en général, et du système industriel en particulier, ont tendance, mais peut-il en être autrement, à raisonner de manière monolithique, proposer, défendre, suggérer, un modèle unique, représentatif, en l’occurrence ici, « l’usine du futur ». A partir d’une analyse basée sur l’intégration des technologies d’aujourd’hui et de demain, sur les parallèles établis avec les activités de services en ce qui concerne le processus de co-production, les circuits courts, la transformation des modalités de « consommation » des biens d’équipements (automobile par exemple), etc., l’Auteur défend habilement l’hypothèse de sa (ré) intégration dans l’écosystème urbain. Cette réintégration permet également d’accroître l’efficacité du système dans son ensemble à partir de l’agglomération de ces nouvelles entités.

La juxtaposition de ces deux documents permet, sans remettre en question ce schéma prospectif, d’attirer l’attention sur ses limites autour de trois lignes.

La première concerne l’hétérogénéité réelle, actuelle et sans aucun doute future, d’un côté des processus de production, des fonctions de production, en particulier du point de vue des proportions de facteurs, de l’autre la nature des marchés, des productions, etc., en d’autres termes, l’ensemble du spectre industriel. D’ailleurs l’Auteur lui-même précise le profil technico-économique de l’usine susceptible de ré intégrer l’espace métropolitain. 

La seconde porte sur les limites intrinsèques de ce modèle en dynamique: imaginer cette re-concentration, c’est d’une autre manière affirmer le principe d’autonomie de grands territoires urbains, la capacité des différents acteurs à satisfaire la quasi totalité des besoins ! Ce processus de réintégration d’activités « productives » n’accentuerait-elle pas encore les pressions foncières ou autres dès lors que par essence, la centralité est relative ? N’assisterait-on pas alors à une concurrence élargie entre les différentes destinations de l’espace ? Et pourquoi pas, au repli de pans entiers de la population – consommateurs- utilisateur ?

La dernière remarque enfin, mais qui n’est pas propre à ces approches prospectives, se situe plus au niveau de la problématique d’ensemble et une des hypothèses centrales à savoir celle du poids du déterminisme technologique au regard de comportements d’acteurs. Une place centrale est faite dans ce modèle d’usine du futur, sur l’intensité des connexions tant en interne que vis-à-vis de son environnement marchand (clients, fournisseurs) et non marchand. Or, et ceci rejoint un des points à améliorer, souligné dans le rapport sur l’industrie aéronautique, celui de la coordination des acteurs, des stratégies des territoires, des coopérations entre entreprises, centres de recherches, structures de formation, etc. Cette remarque renvoie à une question plus générale sur la place des stratégies au regard des déterminants structurels.

 

Les ordonnances : remède à la hussarde !

 

Par la lente élaboration du droit social du travail, passant du louage d’ouvrage à la fiction d’un contrat libre sur le « marché du travail », les démocraties sociales  sont parvenues à organiser un espace bien ordonné quoique tendu, régissant les équilibrages entre libertés contractuelles (du salarié essentiellement), organisations collectives et rationalités économiques. Ceci dans l’intérêt commun des acteurs et des instances concernées (collectif au travail, budgets sociaux, collectivités…).

 

Les Ordonnances affirment favoriser les accords collectifs dans l’intérêt de l’Emploi mais semblent procéder de deux grands détournements.

 

Mésusage des mots d’abord : elles font fi du Collectif qu’elles réduisent à sa fonction strictement réglementaire et utilitaire ; elles font supporter le risque du licenciement sur les salariés eux-mêmes soi-disant pour faciliter les embauches. 

Profitant de « zones grises » juridiques, ces Ordonnances à la hussarde ne ferment pourtant pas la piste d’actions judiciaires sur quelques points majeurs : abus de droit dans le cadre des licenciements individuels, contrôle du juge judiciaire sur les Ruptures Conventionnelles Collectives, nature des relations entre l’accord collectif et le contrat individuel.

 

Vision étriquée du travail ensuite : en lieu et place d’approches pluridisciplinaires (sociologie économie, droit, sciences politiques, psychologies…). « La mise en place des accords de compétitivité, au-delà du bricolage juridique dont ils sont issus au départ, aurait dû conduire à une réflexion beaucoup plus large sur les relations collectives dans l’entreprise dans notre pays, que manifestement les ordonnances n’ont pas voulu conduire. ».

 

Ce texte débusque le «diable dans les détails » et d’une façon très didactique et rigoureuse nous donne les outils d’une bonne compréhension de ce qui ressemble fort à un jeu borderline avec des règles qui ont fait leurs preuves et ceci sans véritable débat.

« …, contrairement aux assurances de notre Ministre du Travail sur le modèle social français les ordonnances le remettent bien en cause, et c’est pourquoi elles nécessitent un débat et un contrôle approfondi, quel que soit leur mise en œuvre immédiate ».

 

Pointer au chômage plutôt qu’au travail : les combines des multinationales pour couler définitivement leurs usines

La logique de délocalisation et de rentabilité à tout prix qu’observent les firmes industrielles multinationales nie toute l’histoire des territoires productifs basés sur l’intensité des liens entre acteurs locaux, industriels, chercheurs et collectivités territoriales. Le saccage par le groupe finlandais UPM de son ancienne papeterie de Docelles est un exemple de plus de fermeture d’unités de production rentables faute d’intérêt financier pour le groupe, ce, en dépit d’un projet de reprise en SCOP porté par les salariés.

Plus généralement, sur 185 000 entreprises de toute taille susceptibles d’être cédées en France chaque année, avec 750 000 emplois à la clé, la moitié disparaissent faute de repreneur. A la différence de la création, la transmission d’entreprise est insuffisamment soutenue par les politiques publiques, souligne l’Observatoire de la BPCE (qui regroupe Caisse d’Epargne et Banque Populaire).

Quant aux unités de production reprises en SCOP par leurs salariés, et alors même que cette forme d’entreprise a progressé de 46% en dix ans en France, les cas de réussite restent trop rares, et les obstacles qui leur sont opposés très élevés.

La « loi Florange » du 29 mars 2014 n’a pas imposé aux firmes voulant fermer un site d’obligation de résultat en matière de recherche de repreneur, ni donné de priorité aux salariés présentant un projet de reprise. Les tribunaux de commerce rejettent des projets rentables à terme faute de financement immédiat, d’où l’intérêt de créer des SCOP d’amorçage qui avanceraient une partie des fonds. Enfin, les exemples de reprise se heurtent tantôt aux législations extra-nationales favorisant la concurrence (comme dans le cas de Ferry Link) tantôt à la nécessité de recréer des circuits d’approvisionnement et de distribution surmontant les barrages opposés par les géants du secteur.

Si les 58 anciens salariés de FRALIB, après 1336 jours de lutte avec le soutien des collectivités locales, ont repris, en 2014, l’usine de thés et tisanes d’Unilever sous les marques SCOP-Ti et 1336, ce n’est que très progressivement qu’ils s’implantent en grandes surfaces. Aujourd’hui, ils n’en sont encore qu’à 20 % de leur capacité de production et ont dû lancer cet été une campagne de financement participatif, ce, malgré l’excellence reconnue de leurs produits tant en qualité qu’en soutenabilité.

Dans de tels cas, le soutien du monde associatif, de l’économie sociale et solidaire, plus généralement, est déterminant. L’association Fraliberté organise des formations à la création ou reprise en SCOP. Un exemple convaincant est celui d’Enercoop, SCIC favorisant les énergies renouvelables, lancé dans la fourniture d’électricité et envisageant d’entrer sur le marché du gaz. Cette SCIC de 27 000 sociétaires et 42 000 clients, a vu son chiffre d’affaires progresser de 27,6% en un an et regroupe dix coopératives régionales.

 

La loi du plus fort : pas toujours la meilleure !

Un pacte pour le travail est nécessaire et possible

 

Dans un rapport remis à la Commission Européenne en 1999, Alain Supiot (juriste spécialisé du droit du travail et de la sécurité sociale) plaidait en faveur d’une « vraie réforme » du droit du travail, répondant aux transformations de l’organisation de l’économie ainsi qu’à la révolution technologique en cours. Ce rapport a été publié chez Flammarion en 2016.

Quelques 20 ans plus tard que nous redit-il donc ?  Que les déterminations de l’emploi sont diverses, ne se résument absolument pas à l’état du droit, et qu’il est temps de formaliser un autre pacte pour le travail d’aujourd’hui et de demain. 

Les réformes à caractère économique et social ont été nombreuses depuis une trentaine d’années mais les bilans des dites réformes n’a jamais été réellement établi. Selon lui, la mise en œuvre de nouvelles règles comptables, élaborées par l’International Accounting Standards Board (IASB) et obligatoire à partir de 2005 pour les comptes consolidés de toutes les sociétés cotées en Europe, a eu des effets d’une très grande ampleur, bien plus que le droit du travail lui-même n’en a eu sur l’emploi…

L’emploi est né du grand pacte issu de l’ère « fordiste » qui a consisté à échanger l’aliénation au travail contre des limitations du temps de travail et une certaine sécurité physique et économique des travailleurs. Or, devant les nombreux changements d’inspiration libérale affectant l’organisation de l’économie,  les Etats, comme d’ailleurs de nombreuses entreprises (les plus petites d’entre elles), ont perdu leur capacité d’action stratégique. Un des leviers qu’ils actionnent alors souvent est celui du droit du travail affaibli au prétexte qu’il est inadapté au monde d’aujourd’hui. 

Réfléchir à la réforme du droit du travail, dit Supiot, n’a rien de choquant. « La révolution permanente des modes d’organisation de production et des techniques prend en défaut les systèmes de protection des travailleurs hérités de l’ordre antérieur, et oblige à les repenser sans cesse ».

Il faut impérativement selon l’auteur avoir en tête « l’idée d’un monde meilleur et plus juste, que l’on va s’employer à faire advenir démocratiquement. C’est cela qui fait la grandeur et la difficulté de l’action politique, toujours menacée de dégénérer en simple réaction aux signaux venus des marchés ou d’institutions non démocratiques. »

 

Quel avenir pour Baccarat ?

 

La cristallerie française Baccarat, créée il y a plus de 250 ans dans les Vosges vient d’être cédée à une société chinoise de gestion d’investissement Fortune Fountain Capital (FFC).

Cette opération s’inscrit dans une série de transactions concernant cette entreprise qui, depuis 2005, était contrôlée par un fonds d’investissement spécialisé dans l’immobilier qui détenait le Groupe Taittinger et la Société du Louvre ainsi que leurs sociétés affiliées, dont la Cristallerie Baccarat, mais aussi les parfums Annick Goutal, l’Hôtel Lutetia, l’Hôtel du Louvre à Paris et l’Hôtel Martinez à Cannes.

Baccarat fabrique surtout des articles de table, des luminaires, des objets de décoration et des bijoux. L’entreprise emploie environ 500 personnes et est bénéficiaire : en 2016 elle a dégagé un bénéfice de 2,2 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 148 millions d’euros. Elle est également dépositaire de savoir-faire et de techniques de haut niveau. FCC qui vise à étendre les marchés vers l’Asie, aura-t-il la volonté de maintenir le haut niveau de qualité des produits qui sortent des ateliers ? Selon Michel Kotska, ancien membre du comité d’établissement, un produit fait-main par un maître-verrier générerait une plus-value de 35 à 40%, alors qu’un même produit fabriqué à la machine génère une plus-value d’environ 80%. Les choix technologiques qui seront opérés détermineront le sort de l’entreprise et de ses salariés.

 

Les causes de la désindustrialisation en France

 

 

Avec l’embellie économique, l’industrie française
donne des signes de surchauffe

 

Les accords d’entreprise – les firmes peuvent-elles

s’autoréguler en matière sociale ?

 

Assurément, la question posée par Mathilde Frapart « Les accords d’entreprise transnationaux. Les firmes peuvent-elles s’autoréguler en matière sociale ? » est importante, décisive même. Et l’auteur a conduit un travail sérieux d’analyse et de documentation particulièrement sérieux pour y répondre de manière précise et rigoureuse.

En conclusion de son analyse texte, l’auteur observe que l’effectivité des accords d’entreprise transnationaux est  mitigée.

Nous la citons :

« La capacité des accords d’entreprise transnationaux à produire des effets directs sur la protection des droits sociaux des travailleurs est relative. Or, ces accords ne doivent pas simplement se présenter comme l’un des moyens de contribuer au renouvellement de l’image et de la réputation de l’entreprise transnationale dans un monde globalisé. Il semblerait d’ailleurs que l’intérêt de signer un accord uniquement pour soigner son image soit dépassé au regard des dispositifs de suivi des accords et des contraintes souvent lourdes que représentent les procédures de reporting pour le groupe et ses filiales. 

Le potentiel de ces accords est beaucoup plus important et prometteur ; ils devraient pouvoir contribuer véritablement à la promotion d’un volet social de la globalisation.

Si des exemples concrets montrent une amélioration réelle de certaines situations locales, sous l’effet des accords, cette amélioration est rarement globale et homogène au sein d’un même groupe. L’observation des résultats de l’application des accords révèle qu’une de leur principale vertu est de constituer un outil de développement du dialogue social transnational et local, ainsi qu’un outil progressif de responsabilisation pour les directions. À défaut d’une amélioration globale de la protection des droits des travailleurs, les accords conduisent à créer des réseaux transnationaux d’acteurs sociaux, progressivement mobilisés dans ce but. 

Ce résultat constitue en soi une première étape très positive qui permettra de favoriser la conclusion et l’application d’accords ultérieurs ».

 

France : la désindustrialisation continue

 

Selon l’INSEE (bulletin n°1689 Février 2018), l’industrie manufacturière emploie 18,4 % des salariés dans 123 300 établissements en France.

Entre 2006 et 2015, le nombre d’établissements employeurs a diminué de 18 % (-27 300), ainsi que les effectifs, au même rythme (-16 %, soit -530 000).

Presque tous les secteurs industriels sont en repli, « qu’elles produisent des biens intermédiaires, d’équipement ou de consommation ». Même les industries alimentaires, en position dominante dans l’industrie manufacturière, régressent (établissements : -9%, emplois : -0,4 %).  Seule la construction aéronautique et spatiale progresse (+ 21 700 emplois).

Ce repli concerne tout le territoire français selon cette même étude de l’INSEE.

Cela prouve qu’il s’agit d’un processus général exprimant un désintérêt vis-à-vis des secteurs industriels sis dans nos territoires. Pourtant, on sait que l’industrie est une source d’emplois dans les autres secteurs économiques : un emploi supplémentaire dans l’industrie génère entre trois et douze emplois dans les services. 

Les raisons de ce recul proviendraient, selon l’INSEE, d’un manque de productivité, d’une concurrence étrangère trop forte, d’une externalisation des services. Ce dernier argument est réel : la somme des PIB industries + service est, en monnaie constante, resté stable depuis la dernière guerre. 

Cette désindustrialisation se ressent dans les exportations françaises : le solde des biens  industriels est devenu négatif. Ce recul industriel à l’exportation date de l’entrée en vigueur de l’Euro, surévalué par rapport aux capacités productives du pays.

 La raison principale de la désindustrialisation est sans doute que les entreprises françaises ont privilégié les investissements directs à l’étranger, dont le montant est supérieur à celui de l’Allemagne par exemple (les entreprises allemandes ont fait le choix d’une production dans leur territoire et ont privilégié les exportations afin de contribuer à la stabilité de la devise Euro). Les délocalisations ont été une modalité privilégiée, avec une caractéristique bien française : implantations à l’étranger couvrant l’ensemble de la chaîne de la valeur ajoutée jusqu’au produit final. Renault, par exemple, importe des automobiles en France. Les fusions-acquisitions ont été aussi une modalité courue, souvent plus coûteuses que la croissance interne de filiale à l’étranger, et aussi très risquées comme nous l’a montré l’exemple d’Alcatel, entreprise stratégique pour la France, aujourd’hui sous contrôle étranger. Autre exemple : la production locale des moteurs pour les Airbus (Safran/GE) est incertaine : la préférence s’est portée exclusivement pour certains modèles sur les moteurs 100 % américains Pratt & Whitney. Cette entreprise outre atlantique, comme par hasard, s’est trouvée en rupture de stock, sauf … pour Boeing ! Les clients d’Airbus, comme ceux du canadien Bombardier, attendront. Cette forme de délocalisation des achats stratégiques est symptomatique d’une forme de renoncement civique. 

Ces abandons du territoire créent un appel d’air pour les investisseurs étrangers, en particulier américains et allemands : les produits les plus stratégiques pour l’autonomie du pays sont désormais sous contrôle étranger (turbines à gaz, chantiers navals, nucléaire civil, chimie et pharmacie, ciments, informatique, engrais, etc.). D’où un solde du compte financier français (IDE et investissements de portefeuille pour l’essentiel) négatif hors UE.

Un autre argument avancé est parfois avancé pour expliquer la désindustrialisation : le montant des masses salariales, d’où les réformes actuelles visant à produire une nouvelle baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. S’agissant de compétitivité, cet argument n’est plus de mise : les travailleurs allemands dans l’industrie ont des revenus supérieurs à ceux de leurs collègues français, et vont encore réduire leur temps de travail. La Suisse, dont les salaires sont sans commune mesure, est l’un des pays le plus exportateur de biens industriels d’Europe.

 

La privatisation d’Aéroport de Paris : une erreur stratégique

et un mauvais calcul financier

 

L’Etat abandonne un actif très entable et important pour l’aménagement du territoire.

 

Industrie automobile, qui conduit ?

 

Un débat sur la socialisation – ou autogestion par les salariés – d’un secteur industriel, introduit par deux syndicalistes, l’un de la CGT, l’autre de Solidaires, et co-organisé par des associations et réseaux autogestionnaires ainsi que par Solidaires, est assez rare pour être signalé. Il a eu lieu le 8 février dernier sous le titre « Industrie automobile, qui conduit ?« .

Benoît Borrits, membre de l’Association pour l’autogestion et auteur de « Coopératives contre capitalisme » (Syllepse, 2015), en a fait le compte-rendu.

Pierre Nicolas, syndicaliste Ugict-CGT de Renault, connu pour ses travaux sur la socialisation du capital et de la production de multinationales, rappelle comment Renault est passé d’une entreprise nationalisée à un groupe en alliance avec Nissan et Mitsubishi dirigé par une logique de pure rentabilité financière, en externalisant l’essentiel de sa production dans des pays à bas salaires. Il montre comment une socialisation du capital en le redistribuant progressivement aux salariés leur permettrait de décider d’une politique industrielle soutenable, préservant un outil de production national. Toute la question restant bien sûr celle des moyens d’imposer une telle socialisation, par les reprises d’outils de production par les salariés,  ou par la volonté de l’Etat, dans une économie mondialisée aux mains de la finance. 

Marc Tzwange, syndicaliste Solidaires de Renault, poursuit le débat sur cette socialisation en plaidant pour une reconversion industrielle écologiquement soutenable, conduite par les travailleurs qui produisent la richesse, en association avec les usagers et la population.

Si les exemples de reprises d’unités de production par les salariés et de leur transformation en SCOOP sont peu nombreux en France, il faudrait relever le cas de SCOP-TI, (très célèbre pour les thés et tisanes 1336). Cette coopérative est issue de la lutte des Fralib contre la fermeture décidée par Unilever. 

Les tentatives des salariés de divers secteurs ont  échoué faute de soutien politique. Ils ont été plus nombreux dans d’autres pays comme l’Argentine, la Grèce… L’usine de pneus Continental de Mexico, au prix d’une lutte très dure,  a été reprise en SCOOP (TRADOC) en 2005, par 600 de ses 900 salariés. En 2010, elle produisait 10 000 pneus par jour, les dividendes étant redistribués aux travailleurs. 

La question d’une reconversion industrielle soutenable redonnant aux travailleurs un pouvoir sur leur production, qui avait émergé avant l’élection présidentielle de 2017, si difficile soit-elle, doit être reposée et soutenue par des initiatives collectives à la hauteur de l’enjeu, vu la destruction accélérée de notre potentiel productif d’une part, l’urgence écologique d’autre part.

 

« Fab lab » : l’innovation cherche encore

son modèle de gestion

 

Dans cet article, Armand Hatchuel revient sur la faillite de TechShop, acteur historique de ces « laboratoires ouverts » aux Etats-Unis, modèle dont le succès en France est indéniable. L’hexagone compte presque autant de fab-labs que les Etats-Unis. Ainsi, ce sont des instruments (logiciels ou machines) mis en communs qui permettent d’explorer le développement et la production de nouveaux produits et usages.

L’auteur considère que c’est le passage d’un accès ouvert fondé sur la gratuité et l’entraide à un modèle fondé sur le profit qui a conduit à la faillite de TechShop. Ainsi, de nouveaux modèles de gestion de ces communs, lieux d’exploration de nouveaux usages technologiques et industriels, sont à inventer.

 

Les entreprises doivent aussi être comptables

de leurs performances environnementales

 

Dans un texte plaidoyer pour un changement des règles comptables visant à ce que les entreprises soient incitées à rendre compte de leur viabilité environnementale, l’auteur, Jean-Philippe Robé, avocat et enseignant à l’école de droit de Sciences Po Paris, par ailleurs, membre actif du Collège des Bernardins, rappelle que, dans une tribune (Le Monde du 17 novembre 2016) signée par quinze personnalités, l’origine du problème est signalée : la financiarisation du capitalisme empêche les entreprises d’avoir un « effet positif sur les défis auxquels nos sociétés sont confrontées : bouleversement climatique, épuisement progressif de la biodiversité et de certaines ressources naturelles, explosion démographique, montée des inégalités ou encore malaise au travail » (Plaidoyer en faveur d’une « économie de marché responsable »).

Très pertinemment, l’auteur signale que dans un monde globalisé, se posent des problèmes d’action collective que nous ne savons pas régler. En attendant, polluer, rappelle l’auteur, c’est « maximiser la valeur actionnariale » : le coût de la pollution n’est pas intégré dans les coûts de production.

Afin de faire face à ce redoutable problème, l’auteur doute que fixer aux entreprises un « objet social » suffise. Ce sont ainsi, selon lui, les règles de la comptabilité qu’il faut changer pour que la performance sociale et environnementale de l’entreprise impacte directement sa performance financière.

Dans cet esprit, l’auteur suggère, par exemple, que le CO2 soit considéré comme un stock, une forme de capital qui nous serait commun. Il conviendrait alors de créer une norme de maintien de la constance de ce capital. L’idée serait alors de déduire du résultat comptable le coût de remplacement du CO2 consommé dans la chaîne de production de valeur. Plusieurs possibilités seraient ensuite ouvertes qui ramènent toutes à l’idée de réaliser les investissements nécessaires pour réduire l’empreinte CO2 et ne pas distribuer aux détenteurs du capital financier des sommes qui correspondent à la destruction de notre capital de CO2. L’incitation, selon l’auteur, serait alors forte pour les entreprises concernées de réduire leur empreinte CO2.

Il y a fort à parier que l’extension suggérée par l’auteur, s’agissant des entreprises, de la notion de « capital » à des formes de capital autres que le capital financier ou le capital directement productif se heurtera à de fortes résistances. Un choc de temporalité ne manquera pas non plus de se manifester tant il est vrai que les temps du capital financier, du capital productif et du capital « environnemental » ne coïncident pas spontanément.

 

Désindustrialisation : de nouveaux chiffres alarmants

 

Plus que jamais, il y a vraiment urgence. Avant-hier, la Direction Générale des Entreprises rendait une nouvelle étude sur l’état industriel de la France. Une fois encore, la conclusion générale est limpide : le déclin se poursuit et s’aggrave, les grands indicateurs continuent de parler en ce sens : part de plus en plus faible du secteur industriel dans le PIB (12,5% en 2016 contre 16,5% en 2010) ; solde commercial du secteur industriel déficitaire depuis 2010 (-44,5 Milliard en 2016) et déjà en négatif de 5 Milliards sur les 9 premiers mois de 2017 (Janvier-Octobre). Il faut prendre ces problèmes au corps et il n’y a qu’une issue souhaitable à ce déclin : de la volonté et du courage politique. 

Récemment, un Conseil National de l’Industrie fut annoncé, avec également l’arrivée d’un délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, et le maintien des commissaires au redressement productif. Cela témoigne bien d’une attention particulière à la question industrielle par le président Emmanuel Macron, son premier ministre Edouard Philippe et son gouvernement. Mais, la question est désormais de savoir si cette considération sera suivie de mesures pertinentes et à hauteur des immenses défis qui nous sont posées. Depuis des années d’alerte déjà, le temps passe et le déclin s’ancre dans des processus parfois irréversibles, l’urgence d’une renaissance industrielle ne cesse de s’intensifier. 

Il est plus que pressant de sortir de la léthargie ambiante, de réaffirmer le rôle essentiel de l’industrie et sa base productive dans le développement sociétal d’un pays. Il vaut de s’en préoccuper. Identifier, mettre en avant et répondre aux causes et maux profonds dont souffre désormais la nation, c’est bien là l’ambition, l’engagement et le devoir citoyen de l’association que nous construisons.

 

ENTRETIEN – Sophie Binet :

« Réformer la gouvernance des entreprises est une priorité »

 

Dans cet entretien, Sophie Binet (Secrétaire générale adjointe de la CGT des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT)) démontre le paradoxe du discours de présentation du contenu des ordonnances lancées par le Président et son gouvernement.

Si une transformation en profondeur de l’économie française est promise et annoncée, alors ce n’est pas pour l’heure au profit d’une résilience collective et territoriale des entreprises mais dans la perspective qui n’est pas dénoncée de leur financiarisation. Les ordonnances telles qu’elles se présentent ne paraissent pas ouvrir le débat sur ce qu’est l’entreprise  -depuis longtemps un OVNI juridique- et les salariés ne bénéficient toujours d’aucune reconnaissance de leur existence comme partie prenante dans les instances de décisions. Pire, leurs représentants élus voient les conditions d’exercice de leurs fonctions bouleversées par des outils de récoltes des données diminués dans leurs potentialités d’utilisation. 

Au final, des ordonnances sans ambition progressiste. Dans le marasme économique qui pourrait perdurer malgré les annonces de reprise, le déclin de l’industrie française semble devoir se poursuive tant les réformes qui sont annoncées ne semblent régler aucun des problèmes de fond. Des solutions existent pourtant et Sophie Binet –avec d’autres !- sème des propositions pour transformer la gouvernance des entreprises et faire avancer le débat pour construire un nouveau modèle de développement.  

 

Code du travail : déformer sans réformer ?

Décodage juridique des « ordonnances Macron »

 

Les ordonnances dites « travail » tracent-elles une limite acceptable et juridiquement fondée entre le nécessaire pragmatisme – qui doit trouver sa place au sein du collectif de travail qu’est l’entreprise -, et les droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations légitimes définies et caractérisées par le droit – les syndicats ? Dans une analyse pédagogique au long cours, l’auteure, Marie-Laure Morin, ancien conseiller à la Cour de Cassation, répond que les ordonnances pervertissent, c’est à dire corrompent et détournent de leur fonction essentielle trois des fondamentaux du droit du travail.

Le premier concerne la nature du contrat qui lie le salarié : ce contrat garantit des droits personnels qui ne doivent pas être modifiés sans l’accord du contractant. Or, les ordonnances ne garantissent pas cette liberté individuelle dans la mesure où le refus pour un salarié d’accepter des modifications substantielles de son contrat (mobilité, horaires…) et surtout salaire – qui peut être considéré comme un bien – conduirait à son licenciement. Le deuxième fondamental du droit du travail porte sur le référendum d’initiative patronale dont les ordonnances assimilent le résultat à un accord collectif mais qui méprise la dimension collective de la négociation en entreprise : la conclusion du référendum relève juridiquement d’une décision patronale visant des travailleurs pris individuellement hors le collectif codécideur. Troisième fondamental du droit remis en cause, les ordonnances entravent le principe juridique de « liberté syndicale » dans la mesure où elles accordent dans les grandes entreprises aux syndicats minoritaires (représentant 30% des suffrages exprimées) l’initiative de référendum, ce qui ne laisse pas de véritable initiative aux syndicats majoritaires, hormis l’abstention. L’abstention n’étant par nature pas assimilable à une initiative.

L’auteure estime, par ailleurs, que la question du plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif crée une confusion néfaste entre le risque forfaitaire (lié à l’aléa du procès) et une décharge par anticipation de responsabilité en cas de faute avérée de la part de l’employeur.

Au final, c’est un retour en force des rapports inégalitaires au sein du collectif humain en œuvre qui est à redouter selon l’auteure… alors que les ordonnances étaient supposées hisser haut le drapeau de la démocratie d’entreprise.

 

Les travaux d’un doctorant membre de notre association :

En dix ans, les 50 plus importantes sociétés industrielles françaises ont baissé de 160 000 leurs effectifs en France.

 

 

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